“Les Gens de Bilbao naissent où ils veulent” avec Bérénice Bejo solaire
Sur le plateau du Studio Marigny, dans une intimité complice avec le public, l’actrice de cinéma Bérénice Bejo se met dans la peau de Maria Larrea, héroïne d’un roman autobiographique familial déchirant qui traverse le pays basque espagnol et Paris. Adapté par Johanna Boyé, qui en assure la mise en scène, et Elisabeth Ventura, le spectacle nous embarque par la grâce d’un texte percutant et d’une comédienne formidable.
Secrets de famille
Tout commence en Espagne, avec deux naissances et deux abandons. En juin 1943, une prostituée de Bilbao donne naissance à un garçon, Julian, qui sera confié aux Jésuites. Peu de temps après, en Galice, une jeune femme accouche d’une fille, Victoria, qu’elle confie aux soeurs d’un couvent. Elle viendra récupérer sa fille dix ans après. Julian et Victoria sont les parents de Maria, narratrice de sa propre histoire, qui va découvrir à 27 ans par hasard le secret de ses origines, et son adoption, bébé, dans une clinique de Bilbao dans les années 70. Maria Larrea raconte tout cela, les abandons, les départs, les mensonges, les secrets et la cruauté de ces découvertes, dans un style brut et enlevé, drôle et gorgé d’une énergie prodigieuse. Bérénice Bejo, comédienne elle-même issue d’une famille argentine qui a fui Buenos Aires en 1979 pour fuir la dictature, se glisse comme une sirène dans cette histoire avec son lot de secrets et de non-dits.
Dans la loge du gardien du Théâtre de la Michodière
Et c’est dans la loge du gardien du Théâtre de la Michodière, à Paris, que prend place la famille de la narratrice, un lieu chargé d’histoires, de fictions, frictions et passions, que Maria habite avec son papa attaché au théâtre et gardien du temple, et sa mère aussi belle qu’une star de cinéma. Bérénice Bejo, silhouette longiligne moulée dans une combinaison toute noire, avec une coupe de cheveux à la garçonne, occupe le plateau de manière omniprésente. Elle est la toute jeune fille qui rase les murs sans parler un mot de français, l’adolescente qui fume de l’herbe avant de manifester pour la liberté, elle campe aussi ses parents, le père flambeur et alcoolique, avec les nerfs en boule, et la mère, totalement dépassée par les événements.
Une interprète idéale
L’actrice est de tous les combats, elle traverse tout un champ d’émotions dans une scénographie simplement sculptée par un sublime jeu de lumières. L’école de cinéma, la recherche de ses origines, la découverte des secrets de famille désagréables, sont les étapes de vie que nous parcourons avec elle jusqu’à son retour en Espagne, à Bilbao, là où le scandale des bébés échangés a commencé. La vivacité, l’humour très présent dans le récit, permet de dépasser le drame de vies trop chahutées. Et la comédienne nous le livre avec une élégance délicieuse, une grâce infinie, qu’elle transmet avec tout son corps de danseuse, comme un lutin qui traverse des zones où l’inconfort domine. Par dessus-tout, elle porte cette force vitale, cette effervescente énergie qui traverse le roman de Maria Larrea dans sa quête puissante et déterminée de sens et d’identité personnelle. Et c’est très fort.
Hélène Kuttner
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